Revirement jurisprudentiel important de la Cour de Cassation en matière de pompes à chaleur

Une pompe à chaleur est-elle soumis à la garantie décennale de l’entreprise qui l’a installée, quelles que soient les circonstances ? Le revirement de la Cour de Cassation pendant l’été 2017 permet de répondre par l’affirmative.

On sait que la Cour de Cassation considère depuis des années qu’une pompe à chaleur n’est pas un « ouvrage » au sens de l’article 1792 du Code Civil, ce qui est déjà fort contestable car souvent, pour les installations de géothermie, la centrale de pompe à chaleur – sorte de grosse chaudière – est raccordée à un forage profond ou à un réseau de tuyaux enterrées dans le jardin, dans lesquels circule du gaz : il ne s’agit donc pas d’un simple ballon d’eau chaude ou d’un radiateur qu’on fixe au mur et qu’on branche sur une prise électrique. Souvent, la pompe à chaleur est relevée par une chaudière au fioul ou électrique, qui prend le relais en période de froid plus intense ou les besoins sont plus grands (pour chauffer une piscine par exemple). Au surplus, en théorie une étude thermique préalable est nécessaire pour adapter l’installation de pompe à chaleur aux besoins du client. C’est donc une installation complexe.

La Cour de Cassation considère donc que la pompe à chaleur est un élément d’équipement facilement dissociable de l’ouvrage principal, qui est donc soumis à une garantie de bon fonctionnement de deux ans (article 1792-3 du Code Civil), voire à la garantie décennale, mais à la condition qu’elle rende la maison impropre à sa destination.

Toutefois pour pouvoir mobiliser les garanties de deux et dix ans, la Cour de Cassation exigeait jusqu’à une période récente que la pompe à chaleur ait été mise en place en même temps que la construction de la maison qu’elle équipe. En d’autres termes, les pompes à chaleur installées sur des bâtiments anciens existants n’étaient pas soumis aux garantie de bon fonctionnement et garantie décennale des articles 1792 et suivants du Code Civil. Seule la responsabilité contractuelle pour faute prouvée (de 10 ans à compter de la livraison de la pompe à chaleur – cf. article 1147 ancien et 1792-4-1 et suivants du Code Civil) pouvait s’appliquer.

L’enjeu est parfois important :

  • les garanties biennale et décennale sont des systèmes de présomption de responsabilité sans faute du constructeur qui doit réparer sur le seul constat que le matériel ne remplit pas sa fonction ou que le dommage atteint un certain niveau de gravité (maison impropre à son usage, atteinte à la solidité, mise en jeu de la sécurité des occupants). L’assurance décennale est obligatoire pour les entreprises du bâtiment, sous peine de poursuites pénales des dirigeants et l’assurance ne peut opposer aucune franchise au client. Enfin, lorsque le client a souscrit une assurance dommages-ouvrage, cette assurance peut préfinancer les travaux de réparation;
  • la responsabilité contractuelle suppose en revanche la preuve de la faute de l’installateur. L’assurance n’est pas obligatoire et il n’y a parfois plus aucun recours possible bien avant l’expiration du délai de 10 ans lorsque l’entreprise a disparu (liquidation judiciaire par exemple). L’assureur lorsqu’il existe ne couvre pas la plupart du temps le remplacement du matériel défectueux lui-même, mais seulement les conséquences dommageables du dysfonctionnement. Il peut opposer sa franchise au client.

Dans l’affaire Calo-confort, cette jurisprudence avait malheureusement conduit le Tribunal de Grande Instance de St-Nazaire à débouter de leurs demandes les dizaines de victimes assistées par les Avocats du Cabinet Polythetis. Il s’agissait de récupérer contre l’assureur de l’entreprise liquidée un solde d’indemnisation pour certaines des victimes, la totalité pour d’autres. L’assureur invoquait le fait que les installations avaient été faites sur des maison anciennes.

La Cour d’Appel de Rennes, saisie d’un recours contre cette décision, devra désormais prendre en considération le changement de cap radical adopté par la Cour de Cassation durant l’été 2017.

La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a repris in extenso la même motivation dans deux arrêts rendus les 15 juin et 14 septembre 2017, dans des procès pour dysfonctionnements de pompes à chaleur : « Qu’en statuant ainsi, alors que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la cour d’appel a violé le texte susvisé… » ( cf . Cour de cassation – chambre civile 3  – 15 juin 2017 – N° de pourvoi: 16-19640 et Cour de cassation – chambre civile 3 – 14 septembre 2017 – N° de pourvoi: 16-17323 ).

Il reste toutefois à apporter la preuve, dans chaque cas, que le dysfonctionnement de l’installation rend la maison impropre à sa destination… ce qui relève du bon sens lorsque la pompe à chaleur est le seul moyen de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire de la maison, mais qui nécessite un examen plus approfondi lorsque la pompe à chaleur est relevée par une chaudière électrique ou à fioul. Dans ce second cas, lorsque l’installation a été mal faite, il se peut que la relève ne fonctionne ou épisodiquement, alors même que la pompe à chaleur ne fonctionne pas elle-même. Il se peut aussi que la consommation d’énergie soit plus importante qu’avant l’installation de la pompe à chaleur !

♦ E.Kierzkowski-Chatal