Préjudice économique des enfants de parents séparés – indemnisation sans perte ni profit.

Le 18 septembre 2023

Par Carole Robard

Avocat titulaire du diplôme de spécialisation en Réparation du Préjudice Corporel

Ancien Bâtonnier de l’Ordre

 

Le préjudice économique des enfants ne doit pas être calculé en fonction de la pension alimentaire que le père aurait pu régler, mais en fonction des revenus que le défunt aurait pu consacrer à ses enfants.

 

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 septembre 2011 – n° pourvoi 11-80165,  a jugé que :

« Pour infirmer le jugement et diminuer le montant des dommages-intérêts alloués de ce chef, la juridiction du second degré énonce que Mme X. et M.Y ne vivaient plus ensemble depuis plusieurs mois, et que le préjudice économique des enfants, en raison du décès de leur père, alors qu’ils vivaient avec leur mère, doit être calculé en fonction de la pension alimentaire que pouvait payer le père, outre l’accueil et les avantages qu’il pouvait leur offrir.

Mais, attendu qu’en se prononçant ainsi, par des motifs tirés de la séparation des parents qui sont inopérants, et sans s’expliquer sur le montant des revenus que le défunt aurait été en mesure de consacrer à ses enfants si l’accident n’était pas survenu, la Cour d’Appel, qui ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s’assurer de la réparation intégrale du préjudice, a méconnu les textes sus-visés et le principe ci-dessus rappelés. »

 

La Cour d’Appel d’Angers Chambre correctionnelle a statué en faisant application de cette règle dans un arrêt du 13 mars 2023 (n°21/00019).

La difficulté, dans cette affaire confiée au cabinet POLYTHETIS, résidait dans la précarité des revenus du défunt.

Le Tribunal Correctionnel de SAUMUR par jugement du 1er décembre 2020, avait écarté les demandes de la mère des enfants au titre du préjudice économique.

 

Le Tribunal considérait que la partie civile ne démontrait pas l’existence d’un préjudice économique car le père était, au moment de son décès, agent d’entretien des espaces verts en contrat d’insertion à temps partiel, et qu’elle n’apportait pas la preuve de démarches judiciaires ou amiables auprès du père des enfants pour le versement d’une contribution alimentaire.

 

La Cour d’Appel infirme considérant que le montant que le montant de l’indemnisation doit être calculé en fonction des revenus que le défunt aurait été en mesure de consacrer à ses enfants si le décès n’était pas survenu et non d’une perte d’une chance comme le soutenait l’assureur.

 

Dans un arrêt du 19 janvier 2023 la deuxième Chambre de la Cour de Cassation a cassé, au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence, qui avait rejeté la demande au titre du préjudice économique subi par l’enfant, dès lors que l’obligation alimentaire du père, fondement juridique de la pension alimentaire, survivait jusqu’à la majorité économique de l’enfant et que le transfert de lieu de résidence de l’enfant au décès de la mère avait emporté une augmentation du revenu disponible de son père pour l’enfant.

 

«  Mme [O] [N] fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu de l’indemniser au titre d’un préjudice économique et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que pour fixer le préjudice économique subi par la fille de la victime, du fait du décès de celle-ci causé par une infraction, ne doit pas être pris en considération ce qui n’est pas la conséquence directe et nécessaire du décès ; qu’en prenant néanmoins en considération l’obligation alimentaire due par le père, pour dire n’y avoir lieu d’indemniser la fille de la victime au titre d’un préjudice économique lié à la perte du revenu que lui procurait sa défunte mère sur le fondement de son obligation d’entretien et d’éducation, cependant que l’obligation alimentaire du père – qui préexistait au décès de victime – n’était pas « la cause » [lire « la conséquence »] directe et nécessaire du décès, la cour d’appel a violé l’article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour les ayants droit de la victime. »

 Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 janvier 2023, 21-12.264, Publié au bulletin