L’assignation qui ne précise pas les diligences amiables préalables est-elle nulle ?

La plupart du temps, le procès est introduit par une assignation (ou citation) en justice : c’est en réalité une convocation devant un juge que l’on demande à un huissier de délivrer à son adversaire. Dans les litiges civils et commerciaux, l’article 56 du Code de Procédure Civile impose un certain nombre de mentions obligatoires dans cette assignation, « à peine de nullité » : indication du tribunal devant laquelle on fait convoquer l’adversaire, explication du procès, lois et règlements invoqués, liste des pièces justificatives, précision que le dossier peut être jugé en l’absence de l’adversaire s’il décide de ne pas se défendre.

Le décret n°2015-382 du 11 mars 2015 relatif à la simplification des procédures et à la résolution amiable des différends a ajouté à cet article le paragraphe suivant : « Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. »

Deux problèmes se posent en pratique :

  • D’abord, que doit « préciser » exactement l’assignation sur les pourparlers transactionnels préalables à l’introduction du procès et surtout, comment faire lorsqu’ils ont eu lieu entre avocats et sont couverts par la confidentialité des correspondances entre avocats ?
  • Ensuite, quelle est la sanction de l’absence ou l’insuffisance de ces « précisions » sur les pourparlers transactionnels ? L’article 127 du Code de Procédure Civile prévoit certes que  « s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation» mais il ne s’agit que d’une latitude. Peut-on invoquer la nullité de l’assignation ?

Le Tribunal d’Instance de St-Nazaire a récemment rendu en la matière le jugement suivant (jugement n°122/2017 du 1er mars 2017 – RG n°11-16-000074) :

Une dame, propriétaire d’une villa à La Baule, avait obtenu un permis de construire une véranda. Sa voisine, propriétaire de la villa mitoyenne, avait attaqué ce permis. La procédure était en cours depuis des années. Chacune des deux dames avaient leur propre avocat dans cette procédure.

La dame dont le permis était attaqué était défendue par le Cabinet d’Avocats Polythetis. En cours de procédure, elle a constaté que la vigne vierge de la villa de sa voisine proliférait au-delà de la limite de propriété et endommageait son crépi.

Des échanges ont eu lieu à ce sujet exclusivement entre les avocats, déjà saisis du contentieux administratif.

Ne parvenant pas à un accord, la dame dont le crépi était endommagé par la vigne vierge a saisi le Tribunal pour obtenir la condamnation de sa voisine à arracher sous astreinte et à payer le ravalement.

La voisine s’est défendue en prétendant que l’assignation était nulle faute de « préciser » les diligences accomplies préalablement pour résoudre le litige à l’amiable.

Le Tribunal décide dans son jugement :

  • que l’article 56 du Code de Procédure Civile ne mentionne pas expressément que la nullité est encourue en l’absence des mentions sur les pourparlers précontentieux ;
  • que l’article 114 du même Code prévoit qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si cela n’est pas expressément prévu par la loi ou s’il ne s’agit pas de « l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public » et que dans tous les cas celui qui invoque la nullité doit prouver « le grief que lui cause cette irrégularité » ;
  • qu’en l’occurrence, il n’y a aucun grief et que l’assignation n’est pas nulle.

♦ Emmanuel Kierzkowski-Chatal, Avocat – Polythetis