PREJUDICE D’AFFECTION ET DEUIL PATHOLOGIQUE

PREJUDICE D’AFFECTION ET DEUIL PATHOLOGIQUE

Le 9 mai 2019

Par Carole Robard

Avocat titulaire du diplôme de spécialisation en Réparation du Préjudice Corporel

Ancien Bâtonnier de l’Ordre

 

L’indemnisation des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe se compose des frais d’obsèques et frais divers qui sont chiffrés suivant les justificatifs fournis, d’un préjudice économique fixé en fonction de la perte de revenus affectant les proches, du préjudice d’affection (l’ancien préjudice moral), et d’un éventuel préjudice d’accompagnement si la victime n’est pas décédée immédiatement après l’accident.

Dans certains cas, le préjudice d’affection peut se cumuler avec l’indemnisation d’un deuil pathologique.

Cette indemnisation n’est accordée qu’après qu’une expertise médicale ait confirmé l’existence de conséquences psychologiques et psychiatriques graves, entraînant une altération de l’état de santé de la victime indirecte.

Le deuil normal est marqué, dans son début, par un état de choc, puis de symptômes de nature dépressive, et la fin du deuil se manifeste par la phase de rétablissement.

Cette dernière phase commence généralement à partir du sixième mois.

Les psychiatres considèrent que certains facteurs peuvent entraver le processus de guérison normal d’un deuil.

C’est notamment le cas lorsque la mort est brutale.

Les Chambres Civile et Criminelle de la Cour de Cassation s’accordent pour considérer que les conséquences pathologiques endurées par la victime par ricochet du fait du décès de la victime directe constituent un préjudice d’affection distinct de celui résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès et indemnisé du chef du déficit permanent, de sorte que ne violent pas le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, les sommes respectivement allouées en réparation de ces deux préjudices.

La 2ème Chambre Civile a statué en ce sens dans un arrêt du 23 mars 2017 :

« La Cour d’Appel, qui a ainsi caractérisé l’existence en l’espèce, d’un préjudice d’affection résultant, pour Madame Y. de la douleur d’avoir perdu son conjoint, distinct de celui résultant de l’atteinte à son intégrité psychique consécutive à ce décès réparé au titre des postes de souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, n’a pas, en allouant la somme critiquée, indemnisé deux fois le même préjudice. »

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mars 2017, 16-13.350, Publié au bulletin

La Chambre Criminelle, dans un arrêt du 2 avril 2019 a jugé :

« Que pour confirmer le jugement en ce qu’il avait retenu au bénéfice de Madame Y. un préjudice au titre du pretium doloris, du déficit fonctionnel permanent et un préjudice d’affection distinct de ceux-ci, l’arrêt attaqué a prononcé par les motifs propres et réputés adoptés repris aux moyens.

Attendu qu’en prononçant ainsi et dès lors qu’elle a caractérisé un préjudice d’affection causé par les conséquences pathologiques du deuil, distinct du préjudice résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès de son frère, réparé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, la Cour d’Appel n’a pas indemnisé deux fois le même préjudice et a assuré une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 avril 2019, 18-81.917, Publié au bulletin

Peuvent ainsi être indemnisés, en plus du préjudice d’affection, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent.